Défiance Virale
VENI VIDI VICI*
ENTRE LA VIE ET LA MORT, NOTRE CORPS BALANCE. SOUMIS AUX STATISTIQUES DE MALADES ET DE DÉCÈS DU CORONAVIRUS, LA PEUR ENFLE. MAIS ENCORE PLUS SOURNOIS, LE DÉSIR DE DÉTRUIRE MET NOTRE HUMANITÉ À MAL.
J’ai vu mon voisin ricaner quand je me suis poussée pour lui laisser la place sur le palier : “vous avez peur que je vous contamine ?”. J’ai vu aussi une petite dame apporter des courses à un homme âgé de sa résidence. J’ai entendu cette femme hurler à la fenêtre, en bas de chez moi, que je ne devais pas sortir avec mon “p….. de chien”. J’ai lu aussi les noms de ceux qui se sont proposés, dans ma montée d’escalier, de venir en aide si on en avait besoin. J’ai vu des gens pousser, courir dans les rayons du supermarché pour faire leur stock, j’ai entendu aussi la prise de conscience de certains sur leur gâchis alimentaire. J’ai vu ce joggeur me frôler sur le trottoir et cracher à moins d’1 mètre. J’ai reçu aussi le message de mon médecin me demandant si j’allais bien. Et à l’heure où j’écris ces lignes, je ne suis pas prête d’avoir tout vu…
COMMENT BIEN VAINCRE ?
En temps ordinaire, chez l’individu «normal», nos pulsions -Eros (pulsion
d’auto-conservation) et Thanatos (pulsion de mort)- s’unissent pour produire un
mouvement vers la création. En temps extra-ordinaire, d’autant plus chez
l’individu ayant une histoire personnelle cabossée, Eros et Thanatos se livrent
un combat sans merci. Nous possédons en nous-mêmes cette envie de tuer au même
titre que celle de créer. Création et destruction s’entretiennent. Ces temps de
coronavirus sont ceux qui nous confrontent collectivement à notre fin. Jusqu’à
maintenant, nous n’y croyions pas vraiment. La mort, c’était pour les autres.
Freud disait d’ailleurs que «dans l’inconscient, chacun est persuadé de son
immortalité»**. Mais là, à part quelques irréductibles qui se jugent
invulnérables, la plus grande majorité d’entre nous est arrachée de force à sa
zone de confort, à son déni, pour conscientiser que la vie ne va pas durer…
toute la vie. Que la mort rôde. Et comme elle a revêtu une forme extrêmement
petite, qu’elle ne se voit pas, nous la supposons chez l’autre qui deviendra
alors l’ennemi à abattre. Le bien et le mal cohabitent dans tout être humain,
le meilleur est caché dans le pire et… vice-versa. Si nous pouvons gagner des
points en bonté -c’est le moment où jamais !- en se rappelant que la
bienveillance et la compassion s’entraînent, nous avons aussi à nous motiver à
être bons. C’est un choix, mais celui-là ne s’entraîne pas, la décision se
prend ou ne se prend pas. La menace du réveil de la «bête humaine» et de son
coéquipier «le repli sur soi» serait encore plus pandémique que le Covid-19.
Alors, va pour l’option d’être bons. C’est celle qui peut gagner toutes les
batailles
* Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu.
** Biblio : «Essais de Psychanalyse», Sigmund Freud – Ed.
Payot